La proprioception
La proprioception c’est quoi ?
La proprioception est un processus neuronal par lequel le corps reçoit des informations de l’environnement extérieur et permet de les intégrer afin de produire une réponse motrice adaptée (1). Pour résumer, c’est notre capacité consciente ou non, de percevoir la position de notre corps afin de régulariser nos mouvements et notre posture. Le sens de la position et du mouvement de l’articulation sont les expressions de la composante consciente, alors que le contrôle postural est principalement basé sur la composante inconsciente (2). Elle est la responsable des capacités d’équilibration de chacun de nous. Cette notion de proprioception joue un rôle central dans la stabilité des articulations et la prévention des blessures puisque le contrôle proprioceptif peut également se définir comme l’expression de l’efficacité des réflexes de stabilisation dans le contrôle de la stabilité verticale (3).
Il est difficile de classer un exercice uniquement dans la catégorie du renforcement proprioceptif puisqu’il possède souvent d’autres caractéristiques en parallèle. Cependant, pour être considéré comme tel, il doit impliquer une instabilité provoquant une adaptation de l’équilibre de l’individu. Les programmes d’entraînement proprioceptif basés sur des exercices d’instabilité à haute fréquence, ont permis d’améliorer le contrôle proprioceptif et postural et ont été efficaces pour réduire l’incidence des entorses de la cheville, des entorses du genou et des lombalgies. Ces résultats indiquent que l’amélioration du contrôle proprioceptif peut être un facteur clé pour une réduction efficace des blessures des membres inférieurs et des lombalgies (4). Deux mécanismes principaux expliqueraient la diminution du taux t’entorses de chevilles et genoux.
Le premier principe repose sur l’amélioration du contrôle proprioceptif permettant un meilleur contrôle des mouvements, une gestion adéquate des trajectoires de saut et de réception, minimisant ainsi les contraintes mécaniques sur les membres inférieurs. La contraction réflexe répétitive des muscles stabilisateurs, les muscles extrinsèques et intrinsèques du pied, lors des exercices à haute fréquence augmente leur force et leur endurance, raccourcissant leur latence mécanique. Ces effets rendent ces réflexes plus efficaces pour contrer des situations variées qui peuvent conduire aux entorses de la cheville et du genou(4). L’augmentation de la force des muscles fibulaires permet une attitude moins supinatrice des pieds pendant le vol, améliorant leur potentiel de protection contre l’inversion (mécanisme lésionnel le plus fréquent). L’importance de cet aspect est soulignée par les résultats d’une revue récente confirmant qu’une entorse antérieure de la cheville entraîne des déficits temporels modérés à forts du réflexe péronier (5). Ainsi, un entrainement spécifique permet de rendre les réflexes proprioceptifs plus efficaces, le corps réagira ainsi plus vite et mieux face aux déséquilibres.
D’un autre côté, l’entrainement proprioceptif favorise la résistance aux contraintes et la résilience des tissus mous articulaires (capacités des tissus à rester en bon état trophique malgré des contraintes difficiles) comme les ligaments, les capsules et surtout les fascias. Ces derniers semblent plus aptes à protéger les articulations dans des degrés d’amplitudes divers. Ce point se base sur une des capacités la plus importante caractérisant notre corps humain : l’adaptation.
L’entraînement proprioceptif peut élever le seuil de protection, permettant une meilleure absorption des forces potentiellement blessantes. Cependant, lorsque ce seuil est dépassé, la lésion est identique chez une personne qui n’est pas entrainée et le temps de récupération n’est pas non plus diminué (4). L’adaptation des tissus dans un but préventif sera ainsi responsable d’une amélioration des capacités stabilisatrices mais elle ne joue pas de rôle lorsque le tissu est lésé. Concrètement, Hübsher et al. (6) ont rapporté, dans leurs analyses de revues que l’entraînement de l’équilibre était efficace pour réduire de 36% le risque de blessures par entorse de la cheville. D’autres revues ont appuyé ce chiffre en indiquant que cet entraînement proprioceptif était efficace pour diminuer également les récidives d’entorses de la cheville (30-50%) (7). Au-delà des effets sur la réduction des blessures, les athlètes ont également rapporté une perception d’amélioration de la stabilité, des compétences techniques et du contrôle des mouvements lors de leur pratique sportive (4).
Comment travailler la proprioception de manière efficace ?
Pour axer le travail d’une séance sur le développement et le renforcement de la proprioception, il est nécessaire de varier au maximum les situations d’instabilités et de déséquilibres. Induire différentes composantes de sauts, réceptions, stabilisations avec des déséquilibres extérieurs permet de travailler efficacement ces capacités. Il est également possible de perturber le tronc et ses capacités d’équilibre car des schémas anormaux de ce dernier diminuent le contrôle neuromusculaire et la biomécanique optimale des mouvements (8). Afin d’engranger un haut niveau de protection et d’imprimer une grosse intensité de travail, il est possible de modifier ou supprimer le signal visuel lors de ces exercices. Cette altération de la vue, et des repères qui vont avec, permettra un meilleur recrutement d’informations.
Tout ce travail neuromusculaire et proprioceptif est à effectuer dès la présaison mais il est important de le poursuivre régulièrement afin de garder les bénéfices obtenus. Cette régularité et cette prise en charge précoce ont permis de mieux prévenir les blessures au genou et notamment celles concernant les atteintes des ligaments croisés (9). Il est aussi possible de diminuer le risque de blessures en matchs grâce à l’ajout de composantes proprioceptives plus conséquentes lors de l’échauffement (10). Cet ajout parait simple mais il est réellement important dans le but de préparer au mieux le contrôle neuromusculaire et les capacités d’équilibres par la suite, augmentant la rapidité des réponses au déséquilibres.
Pour résumer, il est extrêmement intéressant pour la prévention de blessure de travailler des situations de déséquilibres en fermant les yeux ou en perturbant les entrées visuelles de manière variées. Perturber et imposer des contraintes concernant le tronc, ou les membres supérieurs lors de situation d’équilibre est également un facteur sur lequel il est facile de jouer. De plus, commencer le travail proprioceptif dès la présaison et le continuer durant la totalité de celle-ci permet de meilleurs résultats. Induire quelques exercices proprioceptifs avant le match est également facile à réaliser et tout autant efficace.
Références :
1. Han J, Anson J, Waddington G, Adams R, Liu Y. The Role of Ankle Proprioception for Balance Control in relation to Sports Performance and Injury. BioMed Res Int. 2015;2015:1‑8.
2. Riemann BL, Lephart SM. The sensorimotor system, part I: the physiologic basis of functional joint stability. J Athl Train. janv 2002;37(1):71‑9.
3. Riva D, Rossitto F, Battocchio L. Postural muscle atrophy prevention and recovery and bone remodelling through high frequency proprioception for astronauts. Acta Astronaut. sept 2009;65(5‑6):813‑9.
4. Riva D, Bianchi R, Rocca F, Mamo C. Proprioceptive Training and Injury Prevention in a Professional Men’s Basketball Team: A Six-Year Prospective Study. J Strength Cond Res. févr 2016;30(2):461‑75.
5. Hoch MC, McKeon PO. Peroneal reaction time after ankle sprain: a systematic review and meta-analysis. Med Sci Sports Exerc. mars 2014;46(3):546‑56.
6. Hübscher M, Zech A, Pfeifer K, Hänsel F, Vogt L, Banzer W. Neuromuscular training for sports injury prevention: a systematic review. Med Sci Sports Exerc. mars 2010;42(3):413‑21.
7. McBain K, Shrier I, Shultz R, Meeuwisse WH, Klügl M, Garza D, et al. Prevention of sports injury I: a systematic review of applied biomechanics and physiology outcomes research. Br J Sports Med. mars 2012;46(3):169‑73.
8. Hewett TE, Di Stasi SL, Myer GD. Current concepts for injury prevention in athletes after anterior cruciate ligament reconstruction. Am J Sports Med. janv 2013;41(1):216‑24.
9. Dargo L, Robinson KJ, Games KE. Prevention of Knee and Anterior Cruciate Ligament Injuries Through the Use of Neuromuscular and Proprioceptive Training: An Evidence-Based Review. J Athl Train. déc 2017;52(12):1171‑2.
10. Schiftan GS, Ross LA, Hahne AJ. The effectiveness of proprioceptive training in preventing ankle sprains in sporting populations: a systematic review and meta-analysis. J Sci Med Sport. mai 2015;18(3):238‑44.