Travail en situation de fatigue

Travail en situation de fatigue

La fatigue est définie comme l’incapacité transitoire de maintenir la puissance ou la force pendant une contraction musculaire répétée (1). Le travail en situation de fatigue est une notion moins populaire mais pas des moins efficaces. Les études prouvent en effet que la plupart des blessures articulaires ou musculaires ont lieu dans la grande majorité des cas dans la fin de seconde période ou dans les 15 dernières minutes de jeu du joueur. Ces données montrent que la fatigue est un facteur de risque considérable dans la pratique sportive puisqu’elle peut contribuer à l’altération du contrôle neuromusculaire du membre inférieur et à l’altération subséquente de la capacité d’un individu à stabiliser dynamiquement ses articulation (2).  Il a en effet été prouvé l’exercice et la fatigue augmentent la laxité des ligaments du genou, diminuant ainsi le contrôle de l’articulation (3)(4). D’autres études ont également mis en évidence un retard dans le temps de réaction musculaire volontaire, une diminution des taux d’excitation des quadriceps et des ischio-jambiers, et un retard des réflexes spinaux en situation de fatigue (5). 

Physiologiquement, comment la fatigue joue un rôle là-dedans ? 

Il est important de savoir que le système nerveux central reçoit et intègre les informations provenant de divers types de stimuli afin d’aboutir au mouvement ou à une bonne position de l’articulation. Toutes les informations visuelles, auditives, vestibulaires, cutanées, articulaires et musculaires influencent 3 structures distinctes responsable du contrôle moteur : la colonne vertébrale, le tronc cérébral et les centres supérieurs (cervelet, glande basale et cortex moteur) (6)(7)(8)(9). La fatigue, par les perturbations organiques qu’elle induit, modifie l’entrée afférente des récepteurs musculaires. En effet, Lagier-Tessonier et al ont confirmé ces propos en démontrant que les réponses du fuseau musculaire et des organes tendineux de Golgi étaient réduites dans des conditions d’acidose musculaire, d’ischémie et d’hypoxie dans le muscle tibial antérieur (10). Cet épuisement modifie la stabilité active puisqu’elle a des effets directs sur les muscles mais il est également intéressant de noter qu’elle diminue la précision des messages envoyés au cortex cérébral. 

Comment et pourquoi travailler en situation de fatigue ? 

Comme expliqué précédemment, la fatigue réduit l’activation musculaire mais également celle de leurs récepteurs sensoriels. C’est ainsi qu’il va être conseillé de travailler la résistance de ces récepteurs afin de les préparer, toujours progressivement, à réagir même en cas d’épuisement. Pour cela, les entrainements composés d’une grosse charge physique pourraient se terminer par une rapide partie proprioceptive bien encadrée. Le but est de se rapprocher le plus possible des conditions retrouvées lors des matchs en enchainant les courses, les sauts et les contacts avec le ballon. Travailler la proprioception en resistance après une session de renforcement excentrique, où le muscle qui se contracte est allongé de force, pourrait également apporter des bénéfices. Ce type d’exercice provoque des lésions musculaires pouvant s’étendre aux propriocepteurs du muscle, les fuseaux neuromusculaires, et entraîner une perturbation de la perception de la position du membre (11). Travailler dans ces conditions permettrait d’augmenter les capacités d’adaptations de notre corps en situation d’épuisement. 

Références :

1.   Asmussen E. Muscle fatigue. Med Sci Sports. 1979;11(4):313‑21. 

2.   Hiemstra LA, Lo IK, Fowler PJ. Effect of fatigue on knee proprioception: implications for dynamic stabilization. J Orthop Sports Phys Ther. oct 2001;31(10):598‑605. 

3.   Nawata K, Teshima R, Morio Y, Hagino H, Enokida M, Yamamoto K. Anterior-posterior knee laxity increased by exercise. Quantitative evaluation of physiologic changes. Acta Orthop Scand. juin 1999;70(3):261‑4. 

4.   Skinner HB, Wyatt MP, Stone ML, Hodgdon JA, Barrack RL. Exercise-related knee joint laxity. Am J Sports Med. janv 1986;14(1):30‑4. 

5.   Wojtys EM, Wylie BB, Huston LJ. The effects of muscle fatigue on neuromuscular function and anterior tibial translation in healthy knees. Am J Sports Med. oct 1996;24(5):615‑21. 

6.   Burgess PR, Wei JY, Clark FJ, Simon J. Signaling of kinesthetic information by peripheral sensory receptors. Annu Rev Neurosci. 1982;5:171‑87. 

7.   Griffin LY, Agel J, Albohm MJ, Arendt EA, Dick RW, Garrett WE, et al. Noncontact anterior cruciate ligament injuries: risk factors and prevention strategies. J Am Acad Orthop Surg. juin 2000;8(3):141‑50. 

8.   Lephart SM, Henry TJ. The Physiological Basis for Open and Closed Kinetic Chain Rehabilitation for the Upper Extremity. J Sport Rehabil. févr 1996;5(1):71‑87. 

9.   Lephart SM, Henry TJ. Functional rehabilitation for the upper and lower extremity. Orthop Clin North Am. juill 1995;26(3):579‑92. 

10. Lagier-Tessonnier F, Balzamo E, Jammes Y. Comparative effects of ischemia and acute hypoxemia on muscle afferents from tibialis anterior in cats. Muscle Nerve. févr 1993;16(2):135‑41. 

11. Proske U. Exercise, fatigue and proprioception: a retrospective. Exp Brain Res. oct 2019;237(10):2447‑59.